Lors de l'assemblée générale des Amis du grand musée, Arnaud Robinet, le maire de Reims, a annoncé qu'il entendait privilégier la piste d'une réhabilitation et d'une extension de l'actuel musée des Beaux Arts, plutôt qu'un nouveau projet architectural abritant un nouveau musée.
Cette extension pourrait se faire sur l'actuel parking ainsi que sur le jardin du musée. L'Ecole supérieure d'art et de design (Esad) pourrait également accueillir cette agrandissement dans un second temps. Arnaud Robinet a annoncé que pour le moment aucun projet n'était encore à l'étude. L'ensemble ne serait pas inauguré avant 2020.
Samedi 1er novembre 2014
Reims, le fiasco de l’ex-futur Grand Musée
Le nouveau musée des beaux-arts est l’objet d’un triste feuilleton depuis une décennie. Le maire vient d’annuler le projet engagé, pourtant voté à l’unanimité en 2012.
Voté à l’unanimité en 2012, le projet de David Chipperfield pour le Grand Musée de Reims vient d’être annulé par le nouveau maire qui le juge trop coûteux. Sa priorité est le réaménagement d’un complexe sportif fermé en urgence pour raison de sécurité. Si près de 5 millions d’euros ont été gaspillés selon l'opposition, les collections du musée restent les premières victimes de ces errements.
REIMS - L’histoire pourrait être celle d’un envoûtement du musée par saint Denis souhaitant garder la collection rémoise dans les murs de son ancienne abbaye, à deux pas de la cathédrale. Mais le dernier rebondissement de cette histoire qui dure depuis près de dix ans est davantage emblématique des arlésiennes comme la vie locale en propose, au gré des alternances politiques, des querelles d’ego et des intérêts particuliers. Au début des années 2000, la mairie alors dirigée par Jean-Louis Schneiter (UMP), envisage d’offrir un nouveau bâtiment au Musée des beaux-arts de Reims, dont David Liot a pris la tête en 1999. On pense au quartier du Boulingrin, que la ville entreprend de revitaliser, et à ses halles classées (Freyssinet), un temps pressentes pour accueillir le musée. En 2005, l’idée d’un bâtiment nouveau mais voisin est retenue, l’urgence n’étant pas démentie. Alors directrice des Musées de France, Francine Mariani-Ducray évoque en petit comité à la Drac Champagne-Ardenne : « le renouveau du musée de Reims est une priorité nationale ».
Ce n’est qu’en 2008, à la faveur de la campagne municipale, que le projet de Grand Musée s’impose à l’agenda municipal. Les trois candidats principaux sont invités à se positionner, l’enjeu devient réel. La maire nouvellement élue, Adeline Hazan (PS), clôt un long (deux ans) tour de table avec un concours architectural de 148 équipes. En 2012, l’agence de David Chipperfield l’ emporte avec un projet évalué à près de 55 millions d’euros, prévu face aux Halles, et voté à l’unanimité lors du conseil municipal. Les fouilles sont lancées, l’instruction du permis de construire aussi, et le plan de financement se met en place : 7,95 millions d’euros de la Drac et la même somme de la région, au titre du contrat de projet état-région (CPER) pour les grands investissements. Restent quelque 36 millions à trouver, dont une large partie sur le budget municipal de la culture. La mairie compte également sur le projet Agora, un complexe immobilier – financé par une filiale de Vinci – comprenant des bureaux, des commerces et un grand hôtel à proximité du futur musée : pour commencer, 4,5 millions d’euros sont prévus pour la vente du terrain (municipal).
La campagne de 2014 approchant, la vie locale se fige et les acteurs du projet sont à l’écoute du pouls municipal. Le musée devient enjeu politique, les positions se tendent et le candidat de l’opposition, Arnaud Robinet (UMP), dénonce un projet trop coûteux. L’existence du nouveau musée est alors directement suspendue au résultat de l’élection. L’argument budgétaire est d’autant plus avancé par le candidat que le Nautilud, complexe sportif alliant piscine et patinoire, connaît des problèmes de charpente et devra fermer puis être reconstruit en urgence. La victoire surprise d’Arnaud Robinet au second tour et la priorité donnée au Nautilud annoncent des temps difficiles pour le musée de Chipperfield. S’ensuit un silence de trois mois sur la question. L’association Grand Musée Boulingrin (GMB) et la nouvelle opposition interpellent Arnaud Robinet en juillet, pour qu’il rencontre les acteurs du projet. Après un rapide tour d’horizon des parties prenantes (ne comprenant cependant pas l’architecte titulaire du projet), Arnaud Robinet annonce au journal L’Union, le 16 septembre dernier, son intention d’annuler définitivement le projet prévu au Boulingrin.
Des millions d’euros gaspillés
Pour justifier l’abandon du projet, l’adjoint à la culture Pascal Labelle résume en trois temps : « Le plan de financement du musée était encore largement incomplet, pour un projet très coûteux. Ensuite, le Nautilud nous impose une urgence et des dépenses incompatibles avec l’engagement du projet prévu de Grand Musée. Enfin, nous pensons que le site du Boulingrin n’est finalement pas pertinent, suite à de nouvelles études réalisées. » Les nouvelles études consistent en « une série d’entretiens avec les sachants », selon les termes de l’adjoint. Avisé de manière informelle, mais tenu au silence jusqu’à la publication officielle de l’annulation par la mairie, le cabinet de David Chipperfield n’a pas souhaité réagir, mais il précise avoir reçu sa notification d’annulation le 20 octobre.
L’annulation du projet du Boulingrin peut être vu comme un gâchis certain, en premier lieu financier : si l’actuelle municipalité parle d’un million d’euros dépensés, l’ancienne majorité, factures à l’appui, en compte près de cinq, détail fourni lors d’un conseil municipal de février. 5 millions qu’il convient de mettre en regard des 6,4 prévus pour toute la phase d’études de maîtrise d’œuvre, afin d’évaluer le degré d’avancement du projet. « Aux 750 000 euros des fouilles préparatoires s’ajoutent plus de 4 millions d’euros versés à l’architecte depuis deux ans, puisque l’avant-projet définitif (APD) était presque terminé, muséographie incluse », explique Serge Pugeault, ancien adjoint à la culture et aux grands projets, à ce titre doublement chargé du projet de Grand Musée.
Au-delà des 35 millions d’euros restant à financer, l’autre débat porte sur le manque à gagner, plus difficilement chiffrable. L’association Grand Musée Boulingrin (GMB) l’estime à près de 30 millions d’euros, entre la voilure réduite du projet Agora et les donations prévues (les legs du fonds Fujita et de la collection Pommery, estimés autour de 7 millions d’euros, sont conditionnés à l’existence de salles dédiées dans le nouveau musée). Le manque à gagner total est sans doute moindre : le projet Agora est, dans son cahier des charges, indépendant du musée, nous a confirmé un des architectes concernés. Mais l’on voit mal le projet hôtelier et commercial maintenu à l’identique si le voisinage d’un musée à 200 000 visiteurs par an est remplacé par celui d’une piscine municipale, même olympique. Quant aux donations, la mairie dispose d’encore quatre ans (2018) pour proposer une solution. Face aux nouvelles directions, l’opposition déplore le manque de concertation et de vision : « le Nautilud est une priorité, c’est vrai. Mais si un équipement touristique comme le musée est logique dans l’hyper-centre, la piscine aurait été plus légitime en proche périphérie avec un transport en commun dédié. Et le problème reste entier pour le musée », explique le conseiller municipal Frédéric Bardoux (PRG). La nouvelle équipe semble ne pas réussir à rassurer les parties prenantes. Pour le musée, dix ans de revirements successifs ont pénalisé les personnels avec des conditions de travail dégradées, tandis que la collection a rencontré des problèmes de conservation. On estime à 7 % du total le fonds exposé. Les expositions temporaires ne sont permises que par le décrochage régulier de la collection permanente. Pour un musée censé abriter l’une des plus riches collections de France, la situation est difficile. Comme il y a dix ans.
David Robert
Reims bat en retraite sur son «grand musée»
« La Ville ne peut supporter deux projets d'envergure à la fois» Arnaud Robinet, Maire de Reims
Le bâtiment imaginé par David Chipperfield, qui devait servir d'écrin en 2018 à l'une des plus riches collections de France, vient d'être abandonné par la municipalité au profit d'un complexe sportif.
L'UMP Arnaud Robinet l'avait annoncé alors qu'il n'était encore que candidat à la mairie de Reims: trop coûteux, le projet d'un «grand musée» serait annulé. C'est désormais chose faite.
La nouvelle majorité enterre le projet de l'agence de David Chipperfield. Deux années et un concours de 139 équipes avaient été nécessaires pour imaginer une infrastructure qui soit à la hauteur de l'une des plus riches collections de France.
Après un vote à l'unanimité lors du conseil municipal alors socialiste, l'effort était chiffré à près de 55 millions d'euros (7,95 millions d'euros de la direction de l'action culturelle Champagne-Ardenne, autant de la région au titre du contrat de projet avec l'État, le reste à la Ville, qui comptait sur les revenus d'un important complexe immobilier voisin). Le grand musée devait prendre place à côté des halles classées du Boulingrin, œuvre d'Eugène Freyssinet, l'inventeur du béton. Trois nefs de marbre et de verre, hautes de 38 m, devaient couvrir un peu plus de 11.000 m2. Près de 5000 m2 auraient été dédiés aux expositions permanentes, 831 aux temporaires et 765 aux animations culturelles et éducatives.
L'ouverture, avec, par rapport à l'actuel Musée des beaux-arts, un véritable département Art nouveau-Art déco, des sections comparatives consacrées à la peinture d'histoire, de genre, au portrait, à la nature morte et au paysage, était prévue courant 2018.
La crise et une autre priorité ont contraint à l'abandon. La piscine et la patinoire du centre sportif Nautilud doivent fermer pour réfection. «Nous sommes garants des deniers de la Ville, a rappelé Arnaud Robinet le 20 octobre dernier. Elle ne peut supporter financièrement deux projets d'envergure, notamment avec les baisses de dotations de l'État.»
Reste un conseil municipal navré, qui se renvoie la faute. Pour la majorité, 1 million d'euros aurait été perdu. Pour l'opposition, ce serait plutôt cinq, car aux fouilles préalables s'ajoute ce qui a été versé pour la conception architecturale et muséographique.
Enfin, il va falloir faire admettre aux mécènes la reconcentration sur les bâtiments exigus de l'ancienne abbaye Saint-Denis. Dans sa dernière livraison Le Journal des Arts rappelle que le legs du fonds Fujita et de la collection Pommery, estimé autour de 7 millions d'euros, est conditionné à l'existence de salles dédiées. La mairie ne dispose plus que de quatre ans pour les créer.
Reims renonce à son grand musée au Boulingrin
La nouvelle municipalité UMP a jugé trop dispendieux le projet ambitieux porté par la précédente équipe socialiste. Elle préfère donner la priorité à la réalisation d’un nouveau complexe sportif.
Le musée devait être construit à côté des halles rémoises du Boulingrin
La nouvelle municipalité UMP de Reims a décidé l’abandon du grand musée prévu place du Boulingrin voté à l’unanimité par la précédente équipe socialiste. Ce bâtiment de 11 000 m2 devait être conçu par le célèbre architecte britannique David Chipperfield, choisi en mai 2012 à l’issue d’un grand concours international.
Il devait abriter les collections du musée des Beaux-Arts trop à l’étroit dans ses locaux actuels, notamment pour accueillir la récente donation de 663 œuvres du fonds d’atelier de Foujita et le legs de la collection Pommery de céramiques. Le projet était évalué à 55 millions d’euros financés principalement par la ville, l’État et la région apportant chacun à 7,95 millions d’euros.
Un complexe sportif d’ici à 2018
Le nouveau maire, Arnaud Robinet, qui avait fait campagne contre ce projet jugé dispendieux dans la conjoncture actuelle, préfère donner la priorité à la réalisation d’un nouveau complexe sportif (piscine olympique, salle modulable et patinoire) d’ici à 2018.
Ce projet dont le coût est estimé à 70 millions d’euros hors foncier est programmé sur 3 hectares d’une ancienne friche ferroviaire de la Sernam. Il doit remplacer le centre Nautilud vétuste qui doit fermer à la fin de l’année.
Le nouveau musée ira « ailleurs »
Devant les protestations de l’opposition qui dénonce le coût de l’abandon du grand musée au Boulingrin et l’obligation d’offrir à la donation Foujita des salles ad hoc, le maire a annoncé vouloir « en fonction de notre capacité financière, lancer un nouveau musée ailleurs avant la fin du mandat, en conservant le projet culturel et scientifique tel quel ».
SABINE GIGNOUX